Ça ne tourne pas rond. J’écoute la radio, je lis les journaux, je pose les yeux autour de moi pour trouver de l’enthousiasme et de l’optimisme mais il faut avouer que ça ne saute pas aux yeux. Non vraiment, il n’y a pas de quoi se réjouir mais je ne veux pas être triste. Je ne veux pas que la logique dominante me bouffe mon espoir d’un monde plus juste, plus doux et plus tolérant. Et plus que jamais je pense que le théâtre, lorsqu’il met l’homme au cœur de ses préoccupations, peut encore inventer un autre état du monde sur les planches et pourquoi pas dans la vie. Parce que le théâtre se fait avec des êtres humains, qu’il laisse une place aux singularités, aux fragilités et aux doutes. Parce qu’il nous emmène là où on ne pensait pas aller, qu’il nous dit que nous sommes plus complexes et riches que ce que nous croyons et que nous ne sommes pas le produit conforme qu’on attend de nous. Parce que le théâtre appelle la liberté, la tolérance et la rencontre de l’autre.
Je crois qu’il est vital pour notre société de remettre ces valeurs-là au cœur de son projet et moi, je le fais avec la seule arme que j’ai, le théâtre. Je le fais dans les salles mais aussi sur le terrain pour rencontrer de nouveaux spectateurs et leur inoculer le virus.
J’aime inventer des projets qui permettront à des hommes et à des femmes, jeunes et moins jeunes de découvrir un art qu’ils ne connaissent peut-être pas ou qu’ils ne pensent pas être pour eux. J’aime les faire entrer dans le théâtre par la pratique pour qu’ils aient envie d’y aller comme spectateurs. J’aime particulièrement faire se croiser dans ces projets des gens qui ne se rencontreraient certainement pas dans la vie et qu’on retrouve dans les salles lorsqu‘elles sont comme je les aime, pleine de spectateurs riches de leur différence.